[trois broyes, au chef chargé d'un lion issant, écu de Joinville entouré d'un croissant, d'une rose et d'une fleur de lis], sceau de la ville de Joinville (©Archives de l'Aube, D5483) |
Geoffroi III, sire de Joinville, était le père de Geoffroi IV, lui-même père de Geoffroi V qui était le frère aîné de Simon, ce dernier le père de Jean (chroniqueur du roi saint Louis), Geoffroi et Simon.
La femme de Geoffroi le Vieux (Geoffroi III), Félicité de Brienne, était veuve en premières noces de Simon de Broyes, mort vers 1132, et mère de Hugues de Broyes. Elle était remariée au sire de Joinville, et mère de Geoffroi le Jeune (Geoffroi IV) avant 1141. (Delaborde, 1894, p. 33)
Vers 1150, époque à laquelle apparaissent les armoiries, Geoffroi IV de Joinville, frère utérin d'Hugues de Broyes, aurait pris les mêmes armes que son frère, des broyes... (Delaborde, 1894, p. 29)
Les armoiries des Joinville sont d’azur à trois broyes d'or, au chef d’hermine chargé d’un lion issant de gueules. Si les broyes sont à mettre en relation avec la famille Broyes, le chef au lion est une augmentation accordée, semble-t-il, par le roi d'Angleterre, Richard Coeur-de-Lion, à Geoffroi V [oncle de Jean], en témoignage de reconnaissance pour lui avoir sauvé la vie lors de la troisième Croisade.
• Contexte technique et linguistique
La figure représentée dans les armes Joinville est la broye, une figure relativement rare en héraldique et un outil un peu difficile à cerner. Dans tous les traités anglais récents, le terme broyes est traduit en anglais par barnacle ou horse bray, et le terme hempbray est réservé à l'outil qui sert à broyer le chanvre.
Or, en langue du blason française, on différencie :
-- la broye, instrument à broyer,
-- et les morailles, mors de force, utilisés pour maîtriser les chevaux difficiles.
broie ou brayes en AF (Brault), broies dans CP (v. 1290), brayes ou bernaks dans TJ (1425-50), broyes ou brielles dans LBQ (1560), broye chez PALL, broyes depuis MEN1 (1688).
morailles à partir de PALL (1660). FURE cite la variante mouraille.
[FRA broye (< a.b.frq. *brëkan 'casser, briser' ou < germ. *brekan) ; ENG barnacle ou horse bray (ou hempbray) ; DEU Hanfbreche ou Pferdebremse ; NED vlasbraak ; ESP agramadera ou acial ; ITA morsa ou nasiera
[FRA morailles (du prov. mor(r)alha, de *murr- "museau, groin") ; ENG barnacle ou horse brays ; DEU Pferdebremse ; NED pranger ; ESP acial ; ITA morsa ou nasiera]
[d’azur à trois broyes d’or, liées de sable, au chef d’hermine chargé d’un lion issant de gueules, couronné de sable], Anseau de Joinville, Armorial Bellenville f°2r20 (d'après Boos 412) Pince de fer appelée moraille, que l'on met au nez du cheval pour ôter la douleur du cheval dans les opérations quelconques. (DIDA Maréchal ferrant, Pl. IV, fig. 14) |
Dans l'Encyclopédie Diderot & d'Alembert :
BROYE ou BRAYE, (Econ. rustiq. Chanvre, Pl. I) machine qui sert à briser le chanvre pour en pouvoir mieux séparer les chenevottes ; c'est une sorte de banc.
MORAILLE, S. f. (Maréchal) instrument que les Maréchaux mettent au nez des chevaux pour les faire tenir tranquilles pendant qu'on les ferre ou qu'on les saigne, &c. (Maréchal Ferrant Pl. IV, figure 14)
Si la broye, techniquement, ne correspond pas parfaitement à l'outil à broyer le chanvre, elle reste un outil à broyer ou à peigner. Ses dents étaient destinées à écraser ou à séparer des tiges végétales. Dans une de ses variantes (armes de la famille Kückelsheim, suggérées par l'article en ligne de F. Velde), on peut penser qu'elle servait au débardage : à accrocher les fûts des arbres que l'on faisait ensuite tirer par un cheval en vue de les sortir d'une forêt. Elle peut difficilement être confondue avec la moraille, pince à bords lisses ou très légèrement ondulés, destinée à immobiliser un cheval sans prendre le risque de le blesser : l'animal était bien trop précieux...
En conclusion, l'outil est de toute évidence différent d''une moraille, mais ce n'est pas non plus une broie, outil posé sur un banc et constitué d'une barre de bois qui s'encastre entre deux autres pour broyer le chanvre (voir ici). Ce qui est sûr, c'est que c'est un outil à "broyer" comme le confirme son lien avec le nom de la famille Broyes, car ce sont des armes parlantes.
• XIIIe-XIVe siècle, sceaux Joinville dans les Archives de l'Aube
[trois broyes, au chef chargé d'un lion issant], Jean de Joinville, v.1224-1317 (©Archives de l'Aube, St 2098) [trois broyes, au chef chargé d'un lion issant], Anseau de Joinville, 1265-1343, quatrième fils de Jean (©Archives de l'Aube, D 308) [trois broyes, au chef d'hermine chargé d'un lion issant], Erard de Joinville (?sgr de Doulevant, vivant en 1350, descendant de Geoffrey, frère de Jean) (©Archives de l'Aube, Ros 68) |
• Les Joinville-Geneville dans les armoriaux en texte ou en image, dans l'ordre chronologique
-- v. 1253, Glover's Roll (B)
Geffroi de Geneville, B103 (croquis accompagnant le blasonnement) [b = azur et g= gueules] |
B102 = Simon de Geneville noir od trois breys d'or al chief d'argent od un demi leon de gules (Simon de Geneville)
B103 = Geffrey de Geneville d'azur od trois breys d'or od un chief d'ermyne et un demi lion de gules (Geoffroi de Geneville)
[Aspilogia II, p. 135, note to item 103]
Geoffrey and Simon, who differenced their paternal coat by changing the tincture of the chief and field respectively, were younger brothers of John, Lord of Joinville, the historian of the Seventh Crusade. Geoffrey (B103), Lord of Vaucouleurs, was b. c.1226, settled in England c.1251, and was summoned to Parliament 1299 and 1314. His wife Maude de Lacy was widow of Peter de Geneva. Simon, youngest of the three brothers (B102), was Lord of Marnay and d.1277. ("The Geneville Brays", Coat of Arms, iii. 84 ; CP, v. 628, &c. Genealogist, n.s. xxi, I, &c. Birch 6059.)"
-- 1272-1307 (Temp. Edward I), Sir William Le Neve's Roll (WNR) (écus)
WNR101 = Munsire de Genevile [Azure, three horse-brays or, on a chief argent a demi-lion rampant gules] (Jean de Geneville)
-- v. 1279, Heralds' Roll (HE) (écus)
HE134 = gefforey de genevile [Azure, three horse-brays or, on a chief ermine a demi-lion rampant gules] (Geoffroi de Geneville)
HE496 li sires de genevile [Azure, three horse-brays or, on a chief argent a demi-lion rampant gules] (Jean de Joinville)
-- v. 1275, Walford's Roll (C)
C146 = Geffrey Genevile, d'azure al cheif d'ermine un leon recoupé de gulez, en le azure trois bresses d'or (Geoffrey de Geneville)
Cl 106 = Geffrey de Genevile, d'azur al chef d'ermine un leun recoupé de goule, en l'azur iij bresses d'or (Geoffrey de Geneville)
Cd 116 = Geffrey de Genvylle, d'azur al cheif d'ermyne a un lion recopé de gules, in l'azur treis breser d'or (Geoffrey de Geneville)
-- v. 1280, Dering Roll (A) (écus)
A171 = Giffrei de Genevile [Azure, three horse-brays or, on a chief ermine a demi-lion rampant gules] (Geoffroi de Geneville)
A197 = … [Azur, on a chief argent a demi-lion rampant gules] (Jean de Joinville)
-- v. 1280, Camden Roll (D)
D172 = Munsire Gefrey de Genevile, l'escu de azur od treis brayes d'or od le chef de ermine a un leun recoupé de gules (Geoffroi de Genneville)
-- v. 1280, Armorial Wijnbergen (WIN)
Geoffroi de Geneville, WIN534 (d'après Cahiers d'Héraldique II 1975, avec mise en couleurs) |
WIN534 = le sengeur de vaucouleur [de sable à trois broyes d'or, au chef d'hermine chargé d'un lion issant de gueules] (Geoffroi de Geneville, s. de Vaucouleurs, † 1314, frère de Jean)
WIN844 = … [d’azur à trois broyes d'or, au chef d'hermine chargé d'un lion issant de gueules] (Geoffroi de Geneville)
WIN845 = … [d’azur à trois broyes d'or, au chef d'argent chargé d'un lion issant de gueules] (Jean de Joinville)
WIN846 = … [de sable à trois broyes d'or, au chef d'hermine chargé d'un lion issant de gueules] (Simon de Geneville)
-- v. 1285, St. George's Roll (E) (écus)
E42 = Gefrai de Genevile [Azur, three horse-brays or, on a chief ermine a demi-lion rampant gules] (Geoffroi de Geneville)
-- v. 1285, Charles' Roll (F) (écus)
F81 = de Genevile [Azur, three horse-brays or, on a chief ermine a demi-lion rampant gules] Fe : crescents instead of horse-brays. (Geoffroi de Geneville)
-- 1285-1300, Armorial Vermandois (VER)
VER625 = Jehan de Jehenville porte dasur a iij broiez dor au chief dargent a j demj lion de gueules sest affublez dunes armes dasur a j lion dor billent dor (Jean de Joinville)
VER626 = Anseau de Jeenville porte tellez sans la crested a j escuchon en leppaule des armes de Conflans (Anseau de Joinville)
-- 1292-1295, Armorial Le Breton (LBR)
Pierre de Joinville, LBR 328 (©AN) Simon de Joinville, LBR 425 (©AN) |
LBR328 = joinville [de sable à trois broyes d’or, au chef d’argent chargé d’un lion issant de gueules] (Pierre de Joinville, sgr de Marnay, † v.1301)
Pierre de Joinville († 1301 ou peu après), seigneur de Marnay. Petit-fils de Simon, frère puîné de Jean, le chroniqueur ; fils cadet de Simon de Joinville († 1277), seigneur de Gex et de Marnay, et de Léonette († 1302), dame de Gex.
LBR425 = se simon de genville [d’azur à trois broyes d’or, au chef d’hermine chargé d’un lion issant de gueules] (Simon de Joinville, sgr d’Echenay, † apr.1323)
À la fin du XIIIe siècle vivaient deux Simon de Joinville : le seigneur d'Échenay († apr. 1323), fils cadet de Robert de Joinville († av. 1269), seigneur de Sailly, et d'Aufélis († 1278), et son cousin, attesté en 1294 et 1329, fils puîné de Geoffroy († 1314), seigneur de Vaucouleurs, et de Mahaut de Lacy († 1303), mais établi à la suite de ses parents en Irlande, où il était marié à Jeanne FitzLyon. S'il s'agit bien, comme il paraît vraisemblable, du premier, ses armes sont certainement incomplètes : elles devraient comporter non seulement une brisure, mais aussi une surbrisure par rapport à celles qui sont peintes ici.
-- 1295, Lord Marshal's Roll (LM) (écus)
LM58 = Genevill [Vert, on a chief ermine a demi-lion rampant gules] (Geoffroi de Geneville)
-- 1295-1305, Guillim's Roll (J) (écus)
J21 = Sire Geffrey de Geneville [Azur, three horse-brays or, on a chief ermine a demi-lion rampant gules] (Geoffroi de Geneville)
-- 1296, Collins' Roll (Q) (écus)
Q31 = Gefray de Geynville [Azur, three horse-brays or, on a chief ermine a demi-lion rampant gules] (Geoffroi de Geneville)
-- 1297, Armorial Chifflet-Prinet (CP)
CP40 = Mesire Jehan de Genville porte les armes d'asur au chief d'ermine a un demi lion de gheules et couronné d'or au chief et a trois broies d'or sor l'asur (Jean de Joinville)
-- 1298-1306, Smallpece's Roll (SP) (écus)
SP109 = Jenenevill [Azur, three horse-brays or, on a chief ermine a demi-lion rampant gules crowned or] (Geoffroi de Geneville)] (illustré dans Foster, p. 94)
-- v. 1350, Powell's Roll (PO)
Geneville, PO 550 (©The Bodleian Library, Oxford) |
PO 550=f°25v = Janvile (later hand; written above, also in later hand, is 'Jenuelle') [d'azur à trois broyes d'or, au chef d'hermine chargé d'un lion issant de gueules] (Geneville)
-- v. 1350, Armorial de Gelre (GEL)
Jean de Joinville et Evert de Kückelsheim, GEL379 et GEL1604 (©Bibliothèque royale de Belgique) |
GEL379 = die here v. genville [d'azur à trois broies d'or, au chef d'hermine, chargé d'un lion issant de gueules, couronné d'or] (Jean de Joinville, s. de Doulevant)
GEL 1604 = kukelsem [de sable à une broye d'argent, liée de gueules et posée en bande] (Evert von Kückelsheim)
-- 1368-1375, Armorial du héraut Navarre (NAV) (edition Douët d'Arcq, 1859) (écus)
NAV693 = … [d'azur à trois broyes d'argent, au chef d'hermine au lion issant de gueules couronné d'or] (Joinville)
NAV694 = kukulthei' [de sable à une broye d'argent liée de gueules, posée en bande, fermée] (Kückelsheim)
-- v. 1390, Armorial Bellenville (BEL)
Anseau de Joinville, BEL f°2r20 (©BNF) Kückelsheim, BEL f°50v19 (©BNF) |
BEL 2r20=66 = geenvile, genvile [d’azur à trois broyes d’or (d'argent?) liées de sable, au chef d’hermine chargé d’un lion issant de gueules, couronné de sable] (Anseau de Joinville)
Anseau de Joinville (†1351), comte de Vaudémont par son mariage avec Marguerite héritière du dit comté, n'a qu'un fils, Henri, seigneur de Joinville et comte de Vaudémont († 1374) qui n'a qu'une fille, Marguerite (†1416), qui épouse Pierre de Genevois († 1394), seigneur de Joinville et comte de Vaudémont.BEL 50v19=1191 = kukulshei(m) [de sable à la broye d'argent liée de gueules, posée en bande] (Kückelsheim)
Kückelsheim, vassaux de l'abbé de Werden et de l'abbesse d'Essen.-- 1402-1405, Wappenboek Beijeren (BEJ)
Joinville, BEJ f°005r (©KB) |
BEJ f°005r = Die heer von genvile [d’azur à trois broyes d’or, au chef d’hermine chargé d’un lion issant de gueules] (Joinville)
-- v. 1410, Thomas Jenyn's Book (TJ)
TJ 1303 = Monsr Geffray Genvyle port d'azure ove trois brayes d'or le chief d'ermyn a un demy leon rampant de goules au chief (Geoffrey de Joinville, al. Genevile)
-- 1422-1461, Randle Holme's Book (RH) (écus)
RH f°7b-5 = Erle of Genevvyle [Azure, three barnacles open or, on a chief ermine a demi-lyon rampant issuant gules] (Geneville) (édité par Foster, p. 9)
RH f°32b-1 = Count de Genevvyle [Azure, three horse barnacles open or, on a chief ermine a demi-lyon rampant issuant gules] (Geneville) (édité par Foster, p. 39)
-- 1454-1458, Armorial Berry ou Le Bouvier (BER) (écus)
BER 747 = f°101 Le baron de Genville [d'azur à trois broyes d'or liées d'argent, au chef d'argent chargé d'un lion issant de gueules] (Joinville) (édition par E. de Boos, 1995)
Dans l'édition par Vallet de Viriville, 1866, p. 125, Joinville porte le numéro 812 et est décrit : Le baron de Jenville [D'azur, à trois couples de peignes ou broyes d'or liées d'argent ; chef cousu d'azur, à un lion naissant de gueules]. Remarques : confusion entre l'azur et l'argent oxydé ? ; emploi de "naissant" à la place de "issant".
-- 1480-1500, Peter le Neve's Book (PLN) (écus)
PLN f°37b-1 = Genevvyl [Azure, three barnacles open or, on a chief ermine a demy lyon rampant issuant gules] (Geneville) (édité par Foster avec illustration au trait, p. 188)
PLN f°66-7 = Dame Jane Gyenuyle [Azure three barnacles open or, on a chief argent, a demy lyon rampant issuant gules] (Geneville) (édité par Foster, p. 230)
• Sources en ligne
-- BAUDIN (Arnaud), Jean de Joinville (1225-1317), page internet du site Le comté de Champagne et de Brie au Moyen Âge.
-- DELABORDE (Henri-François), 1894, Jean de Joinville et les seigneurs de Joinville ; suivi d'un catalogue de leurs actes, Paris, Picard et Fils, XV-538 p. (sur Gallica)
-- JOINVILLE (Jehans de), copie de 1330-1340, Livre des saintes paroles et des bons faiz nostre roy saint Looys (en ligne)
Bravo pour votre riche blog que je signale désormais sur Menestrel dans la rubrique dédiée. Votre bibliographie thématique mériterait parfois quelques mises à jours sur des travaux scientifiques plus récents.
RépondreSupprimersur les joinville voir notamment les travaux de Jean-Bernard de Vaivre (J.-B. de Vaivre, « Les armes de Joinville », Guerre, pouvoir et noblesse à la fin du Moyen Age. Mélanges en l’honneur de Philippe Contamine, J. Paviot et J. Verger éd., Paris, 2000, p. 659-675). Il me semble également qu'Edouard Bouyé (dir. AD Cantal, SFHS) a écrit quelque chose sur les armoiries des rois mages.
Félicitations en tous cas
Laurent Hablot