Expression et disposition des éléments en nombre
Nous trouvons divers termes ou expressions : un, deux, deux et un (position ordinaire) ; mal ordonné (un et deux) ; double ; semé (AF poudré) ou sans nombre.
Des adjectifs spécifiques ont été créés, correspondant à la notion de “semé” : besanté (besants), billeté (billettes), châtelé (châteaux), croiseté (croix), croissanté (croissants), étincelé (étincelles), étoilé (étoiles), fermaillé (fermaux), fleurdelisé (fleurs de lis), fretté (frettes), goutté (gouttes), herminé ou moucheté d’hermines (mouchetures d'hermine), paillé (semé d’anneaux contenant des aigles et des lions), tourtelé (tourteaux), ou encore décrivant le motif de fond : palissé (lignes en croix) papelonné (ailes de papillons) plumeté (plumes), vairé ; anglé ou découpé, pour la famille d’Anglure, avec des éléments ressemblant à un croissant ou à un angle ou encore à une découpe.
Certains dérivés n’ont jamais vu le jour : larme a donné semé de larmes que l’on dit aussi goutté (il n’existe pas de *larmé).
D’autres sont polysémiques : fleurdelisé signife “semé de fleurs de lis” mais aussi “dont l’extrémité est en forme de fleur de lis”. La polysémie existe également pour losangé, fuselé, tréflé. Pour éviter une mauvaise lecture, les auteurs ont donné la préférence à la locution semé de…
Double sert dans un certain nombre de mots composés comme double bordure, double queue, double trescheur.
Les écussons, miniatures de l’écu, sont représentés avec la même forme que l’écu dont ils occupent généralement le centre.
Disposition et changement de nom des pièces en nombre
La recherche a été effectuée sur un seul armorial, l'armorial Le Breton (LBR) et majoritairement sur la partie ancienne (partie centrale) des écus 156-715 qui correspondent à une datation de 1292-1294. Il a été difficile néanmoins de se limiter à cette seule partie de l'armorial et certaines illustrations proviennent de la partie datée du début du XVe siècle. Les droits d'auteur des images sont tous à attribuer aux Archives Nationales (ici).
Plusieurs constantes apparaissent au travers des figures concernant les figures en nombre.
Les figures en nombre (qui peuvent être les mêmes que les éléments du semé), se combinent avec d’autres figures, en nombre régulier selon la forme de l’écu en triangle et selon la forme de la figure principale. Il s’agit des angemmes, annelets, besants/tourteaux, billettes, coquilles, croisettes, écussons, étoiles, fleurs de lis, losanges, macles, merlettes, quintefeuilles et tour(n)elles.
On verra que la manière dont s’ordonnent les figures dans l’écu respecte des règles d’équilibre (symétrie) et de remplissage. On constate que dans les représentations graphiques, le Moyen Âge évite de laisser des emplacements vides, en utilisant, par exemple, le diapré.
• L’angemme, la croisette, le croissant, l’écusson, l’étoile, la fleur de lis et la quintefeuille peuvent apparaître SEULES, comme pièce principale. La croisette retrouve alors le nom de croix, l’étoile sera souvent à huit rais (au lieu de cinq ou six). L’étoile peut même avoir des rais plus longs vers le bas, sans que cela nécessite d’être blasonné.
quintefeuille, Guillaume de Bréauté, LBR 153 croix, Pierre de Blémur, LBR 208 fleur de lis, Jean II de Tilly, LBR 166 croissant, Beaudegnies, LBR 408 |
• On les trouve au nombre de DEUX seulement si elles ont une forme allongée (lion passant, léopard, [fer de] râteau…). Il s’agit de celles qui pourraient difficilement apparaître seules, car n’occupant pas assez de place en hauteur. En outre, celle du dessus est représentée un peu plus grande (plus longue) pour mieux remplir la largeur du haut de l’écu. Deux est également le nombre par défaut des poissons allongés représentés dressés, comme les bars. Ces derniers, l’un à gauche, l’autre à droite, sont en position de parfaite symétrie.
léopards, Le duc de Normandie, LBR 136 râteaux, Hughes IV de Rethel, LBR 325 bars, Raoul II de Clermont-Nesles, LBR 336 lions, Jean Ier de Bazoches, vidame de Châlons, LBR 390 |
• Au nombre de TROIS, les figures remplissent tout l’écu ou sont abaissées sous un chef (en position deux et un, ce qu’il n’est pas utile de blasonner). Ce sont des figures de taille suffisante pour porter leur nom et non un diminutif : croix et non croisette, lion et non lionceau, aigle et non aiglette… Une exception concerne l'annelet, l'anneau étant rarement seul.
annelets, Sainte-Beuve, LBR 142 lions, Jean de Chanle, LBR 343 coquilles, Pierre V Hideux de Chambly, LBR 245 tourteaux, Lesglentier, LBR 272 |
annelets, Hugues II de Bouville, LBR 244 merlettes, Othe II de Toucy, LBR 206 coquilles, (Mathieu?) de Roye, LBR 347 broyes, Pierre de Joinville, LBR 328 |
• Au nombre de CINQ, elles chargent la croix ou le sautoir. Si elles constituent la figure principale, elles remplissent tout l’écu, dans la position par défaut de deux, deux et un.
coquilles, Jean Ier de Raineval, LBR 263 besants, Dun, LBR 308 tour(n)elles, Jean de La Tournelle, LBR 258 |
merlettes, Tremblay, LBR 207 merlettes, Non ident., LBR 334 |
• Au nombre de SEPT, elles servent de figure principale avec la position par défaut de trois, trois et un. Elles peuvent être placées sous un chef ou accompagner une fasce. Dans cette dernière position, elle seront plutôt en orle.
annelets, non ident., LBR 329 [le canton, brochant, masque un annelet] besants, Adam IV de Melun, LBR 197 merlettes, Jean de L’Isle-Adam, LBR 189 |
• Au nombre de HUIT, elles entourent une pièce principale en orle (écusson ou quintefeuille) ou sont réparties harmonieusement pour remplir l'écu autour du croissant.
coquilles, Soisy [aujourd’hui Choisy], LBR 292 merlettes, Raoul de Sores dit d’Estrées Saint-Denis, LBR 262 billettes, Beaudegnies, LBR 408 |
• Au nombre de NEUF, elles apparaissent rarement seules et sont alors en position quatre, deux, deux et un, ce qui est la même répartition si elles accompagnent deux fasces. Si elles entourent une seule fasce, leur répartition se transforme : trois, trois, deux et un.
merlettes, Sommereux, LBR 288 merlettes, Foulques IV Paynel, LBR 168 macles, Son, LBR 350 |
• Elles peuvent être au nombre de DIX et remplir tout l’écu : elles ont alors par défaut la position de quatre, trois, deux et un. Elles restent au nombre de dix même si elles accompagnent un écusson et sont là encore disposées en orle.
billettes, Jean de Saint-Martin, LBR 157 billettes, non ident., LBR 413 angemmes, Tancarville, LBR 138 fers à cheval, Ferrières Saint-Hilaire, LBR 144 |
L'exemple que vous prenez (figures en nombre), à propos de coquilles,en citant le blason de Enguerran de Montigny (LBR 174) avec quatre coquilles au franc-quartier n'est ps bon. Le franc-quartier est de cinq coquilles. Un repeint de la coquille centrale a été effacé ou est parti. On en devine la présence à la loupe (sur l'ouvrage édité en 2005. L'armorial Wijnbergen (antérieur au LBR) le décrit avec cinq coquilles en sautoir.
RépondreSupprimerBien cordialement et merci pour votre blog.
JL. (descendant de Montigny)